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La vièrge aux rochers

La Vierge aux rochers ( Marie, avec l’Enfant Jésus, le jeune Jean Baptiste et un ange )1483-1486 
Le contexte : 
A Milan, une confrérie de l’église des Franciscains, San Francesco Grande, lui passe commande, ainsi qu’aux frères de Predis, peintres de la région, d’un grand retable pour la chapelle, consacrée à l’Immaculée Conception.  
Le texte détaillé du contrat prescrit aux artistes la peinture et la dorure d’un grand retable réalisé par un menuisier en 1482, et dont le panneau central est peint par Léonard.  
Ce panneau central existe en deux versions. Le plus ancien se trouve aujourd’hui au Louvre à Paris, le second à la National Gallery à Londres qui abrite également les deux volets sur lesquels Ambrogio de Predis a peint deux anges musiciens.  
Plusieurs reliefs accompagnés de scènes de la vie de la Vierge complètent le devant du retable monumental, alors que quelques prophètes et Dieu le Père composent la partie supérieure.  
Une niche, au centre du retable, abrite l’Immaculée Conception : une sculpture en bois de Marie avec l’Enfant.  
Le tableau de La Vierge aux Rochers de Léonard était placé devant cette niche et cachait 364 jours par an la statue de la Madone. Le 8 décembre, fête de l’Immaculée Conception, on descendait le tableau à l’aide d’un mécanisme coulissant, mettant ainsi à jour la statue. La Vierge aux rochers servait donc de ‘tableau de couverture’, derrière lequel était abrité l’objet même de dévotion.  
 
La composition harmonieuse et l ‘agencement magistral de La Vierge aux rochers ne laissent évidemment rien paraître des démêlés juridiques complexes que Léonard et ses deux collègues durent subir après l’achèvement du retable. Il y eut une discussion acharnée à propos du paiement : les artistes menacèrent de vendre le tableau à un amateur d’art, qui apparemment leur offrait une somme plus élevée que celle de la confrérie était prête à débourser. C’est sans doute à la suite de cette dispute que fut réalisée la seconde version de La Vierge aux rochers, qui se trouve aujourd’hui à Londres et qui, au 16e siècle ornait effectivement la chapelle de la confrérie de San Francesco Grande à Milan. La version la plus ancienne a sans doute était vendue très tôt à un amateur d’art, peut être Ludovico Sforza qui offrit le tableau à l’Empereur Maximilien ou au roi de France.  
 
 
Le sujet et la composition : 
Léonard représente la Vierge avec Jean Baptiste enfant, le Christ et un ange dans une frotte ou devant celle-ci ; c’est à cette particularité que le tableau doit son nome de Vierge aux rochers. Marie qui semble très jeune, est enveloppée dans un manteau bleu foncé et est assise ou agenouillée presque au centre du tableau. Elle observe avec tendresse le jeune Jean Baptiste en prière et entoure son épaule de la main droite, tandis que sa main gauche prospectrice semble planer au-dessus de l’Enfant Jésus assis. La scène est flanquée d’un ange, sans doute Uriel, qui, dans la version de Paris sourit légèrement, le regard dirigé vers le spectateur. Uriel, considéré comme le protecteur de Jean Baptiste, point le doigt de sa main droite vers le jeune garçon en prière. Il soutient de sa main gauche l’Enfant Jésus assis devant lui, qui, avec un geste de bénédiction, est également tourné vers le jeune Jean Baptiste. Les personnages, de par leurs regards et leurs gestes, se réfèrent l’un à l’autre de manière complexe. Le personnage de l’ange fait entrer le spectateur dans cette relation d’intimité.  
Les gestes, les attitudes des personnages s'associent pour former une pyramide dont le sommet est le visage de la Vierge.  
Derrière les personnages se déploie un paysage tourmenté : sur un fond de ciel brumeux, de petites percées de lumière se mélangent aux sombres rochers volcaniques et à l'architecture minérale.  
Le modelé de Léonard apporte à cette peinture l'illusion de la forme en relief. Les visages des 4 personnages sont en grande partie obtenus par un effet de 'clair-obscur' qui crée une atmosphère irréelle.  
Dans son Traité de la peinture, il écrit que "les portraits avaient l'air plus avantageux quand les personnes représentées paraissent dans la pénombre". C'est ce qu'il réalise dans ce tableau où les ombres sont plus importantes que la lumière et font ressortir la blancheur des visages et des corps sur la masse sombre du paysage.  
Pour lui, "la peinture est une poésie qui se voit".  
Dans ce tableau, la poésie s'exprime dans le paysage à l'atmosphère impalpable obtenue par une  
palette délicate et réduite, presque monochrome.  
 
Dans les deux versions de La Vierge aux rochers, le sol rocailleux près du premier plan du tableau, semble prendre fin abruptement. Léonard illustre ainsi l’isolement du lieu, souligné à nouveau au plan intermédiaire ainsi qu’à l’arrière-plan par des formations sauvages de rochers crevassés. A plusieurs endroits, ils laissent place à un paysage de montagnes baigné de lumière et de brume, ainsi qu’à une étendue d’eau. Dans la première version, une assez grande partie de ciel bleu domine le tableau. La lumière de l’arrière-plan, le scintillement de l’eau et la végétation clairsemée adoucissent l’atmosphère fantastique des lieux. Il en va de même de la lumière du premier plan, qui vient de gauche.  
On peut interpréter certains éléments dans un sens symbolique religieux : l’eau, ainsi que les  
 
 
 
 
 
perles et le cristal qui retiennent le manteau de la Vierge, seraient des signes de sa pureté. Ceci créerait aussi une relation avec l’Immaculée Conception. On peut - peut-être - également interpréter les formations rocheuses selon la symbolique maritale ; elles se référeraient à des modèles similaires des textes de prière : la mère de Dieu représenterait le rocher ne pouvant être fendu par la main de l’homme, et les roches inhospitalières, érodées par les forces naturelles, seraient une métaphore de Marie, une allusion à sa fécondité inattendue. En outre, le rocher fendu est considéré comme le refuge du petit Jean Baptiste et de l’Enfant Jésus.  
 
Le jeune Jean Baptiste semble jouer un rôle remarquable dans le tableau de Léonard pour la confrérie de l’Immaculée Conception. En effet, sa présence est l’une des particularités iconographiques de la composition. Une rencontre entre Jean Baptiste et Jésus durant leur enfance est insolite. Les Saintes Ecritures ne le mentionnent pas, mais les Evangiles apocryphes, textes non admis dans le canon biblique, rapportent que Marie et l’Enfant Jésus auraient rencontré Jean Baptiste dans le désert, lors de leur fuite en Egypte. Il est possible que la composition de Léonard – personnages et lieu rocheux détaillé plutôt dépouillé – joue sur cet événement.  
Le sens profond de cette rencontre entre Jean Baptiste et le Christ, magistralement mise en scène dans un endroit peu accueillant, se réfère aux conceptions religieuses des commanditaires. C’est une confrérie franciscaine qui avait passé commande du retable de La Vierge aux rochers ; Saint jean Baptiste faisait parti de ses personnages de référence aux côtés de Saint François d’Assise. ainsi, la confrérie donatrice pouvait-elle s’identifier avec le jeune Jean Baptiste qui adore l’Enfant ; elle était bénie avec lui par le Christ et, elle aussi, sous la protection de la Vierge Marie. La confrérie était ainsi doublement présente : d’une part devant le tableau qui servait au recueillement et à la prière, mais aussi à l’intérieur du tableau sous la forme du personnage de Jean Baptiste.  
En outre, l’idée de protection est concrétisée par la main et le manteau de Marie posés sur Jean Baptiste, ainsi que par l’aspect du lieu ; en effet, le rocher est considéré au sens figuré, comme un lie de refuge.  
 
 
La technique : 
Par les notes des ses carnets, on sait que Léonard utilise de l'huile de noix et de lin, aussi  
limpide et fluide que possible. Les glacis, préparation pigmentée, sont posés les uns après les autres, ce qui lui permet d'obtenir des dégradés subtils.  
 
Grâce à une œuvre inachevée intitulée L'adoration des Mages ( Musée des Offices, Florence ), on sait  
désormais comment il procède : il esquisse d'abord le dessin préparatoire des personnages et des paysages à l'arrière-plan, puis modèle les formes dans une gamme de bruns, plus ou moins foncés, localisant parfaitement les valeurs en zones d'ombre et de lumière. C'est seulement sur cette base qu'il commence à faire intervenir la couleur, se servant d'un pinceau petit-gris très fin pour les détails, comme par exemple les fleurs à gauche du tableau, peintes à la fois avec délicatesse et réalisme, Léonard étant un passionné de botanique.  
Pour obtenir le fondu du modelé, il utilise souvent ses doigts ; d'ailleurs dans la partie foncée du visage de la Vierge on peut apercevoir, à l'aide d'une loupe, des empreintes digitales. Il cherche à rendre les ombres "vaporeuses" en leur donnant une transparence incroyablement subtile grâce à la technique du glacis, évoquée précédemment.  
La couleur ne s'étale plus, elle vibre.  
Grâce au sfumato, un procédé technique qu'il a inventé, les dégradés des ombres ne sont pas durs et secs, mais fondus, noyés dans la lumière de l'atmosphère ambiante, rendant les personnages et les paysages un peu flous.  
La lumière qui éclaire les chairs des personnages est impalpable.  
En estompant les formes, créant ainsi l'indécision des ombres et de la lumière, il est révolutionnaire ; il influencera les grands peintre du clair-obscur, Rembrandt en particulier.  
Il écrit qu'il faut regarder les nuages et les vieux murs pour les animer par l'imagination. Il précise à ses élèves : "pour un portrait, peins-le par temps gris au crépuscule ; observe dans la rue à la tombée du soir, les visages des hommes et des femmes, quelle grâce et quelle douceur ils révèlent."  
 

 

(c) Laurent PETIT - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 29.11.2006
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